PROGRESSION
A – Première étape -Inspirez-vous de cette image afin d’imaginer un récit : le lieu, la saison, l’ambiance, ce que vous voyez, ce que vous pouvez imaginer.
Contrainte : tout votre texte sera en noir et blanc. Aucune couleur.
Par Marie-Christine :
Au beau milieu de la place du Tertre, Kim hurlait comme c’est pas permis. Elle tétanisait tout le monde. Qu’était-il arrivé ? Un attentat ? Un accident ? Kim semblait terrifiée. Paniquée. Les passants s’interrogeaient. Apeurés. Tout à coup un rire fusa. Puis deux. Puis cent. Kim, elle, continuait à hurler . En fait, elle faisait face à un pigeon. Certes il n’avait qu’une patte Mais de là à être terrorisée, fallait pas exagérer. Et paniquer tout un quartier… En l’espace de quelques secondes elle s’était littéralement ridiculisée. Tandis qu’elle continuait à hurler les passants se remirent à marcher. Et la vie, du coup, reprit son cours…
Par Sylviane :
Elle est là, terrorisée, hurlant à nos oreilles . Cette femme, cheveux au vent, se cabre, ses mains se crispent. Nous pouvons presque voir les sueurs froides qui envagissent sa gorge. Nous nous interrogeons :
D’où vient-elle ?
Qui est elle ?
Plutôt élégante dans sa robe d’été à encolure ornée de dentelle, elle a surgi sur l’écran, bouche béante. La musique dramatise, accompagnant les cris de l’héroïne. Au bout de quelques instants d’angoisse pure, voici que soudain…
B – Seconde étape – vous découvrez le complément de cette image – Suite ou remodelage du récit A – Cette fois, plus de contrainte… si ce n’est de vous laisser aller à une écriture détaillée de la scène qui se précise .
Kim habitait depuis peu dans le quartier. Elle s’était vite faite remarquer. Par ses hurlements. Quand son fils venait la chercher, pour faire les courses ou autre, tout le quartier en profitait. Il conduisait un side-car. Installée dans le bac, Kim hurlait. Dès qu’il démarrait. On comprenait que son fils l’enguirlandait. Mais rien n’y faisait. Kim passait sa vie à gueuler. Quand on sonnait chez elle, elle gueulait. Quand l’ascenseur s’élevait – ou descendait – elle gueulait. Elle vociférait. Pour un oui. Pour un non. Il n’y avait que la nuit où elle se calmait. Heureusement qu’on cauchemarde les yeux fermés… La vie de cette femme était-elle une vie ? Tout lui était insupportable. Insoutenable. Qui plus est, elle s’isolait. Evitait de vous rencontrer. Personne ne l’avait entendu parler. De cette femme (quelque peu névrosée) le quartier tout entier ne connaissait que sa voix de fada. Que sa voix de gaga.
Sylviane poursuit :
…Soudain, dans un bruit d’enfer, surgit un side-car conduit par le bandit des autoroutes nippones : Kumi. Casqué de noir, arc-bouté sur le volant, il rit, toutes dents dehors. Un rire dément, comme un rictus… Grisé de vitesse, le voici qui fonce droit devant, double tous les véhicules rencontrés, ignorant le danger. Ses mains gantées de cuir ressemblent à des tentacules puissantes.
La femme, toujours hurlant de terreur, est assise à ses côtés, tête en arrière, tétanisée.
Kumi, lui, semble le plus heureux des hommes : il vient de kidnapper la fille d’un très riche industriel de Tokyo. Elle est son butin mais il ne la regarde pas. Il sait qu’elle est riche et ça lui suffit. Son prénom ? Sans importance ; après, seulement après, lors de la négociation. Mais elle ne cesse de crier.
Kumi tourne enfin la tête vers elle ; trop voyante pour cette aventure, crinière rouge, robe rouge et ces hurlements de forcenée dans le side-car. De proie facile elle devient prise encombrante dans cette circulation.
Il redescend sur terre, son rire se ferme d’un coup. Derrière ses lunettes de soleil le regard tombe. Il sent faiblir ses cuisses, ses mollets. Il la regarde à nouveau et s’aperçoit qu’elle n’a aucune protection dans cette machine. Ni casque ni lunettes. Elle continue de s’accrocher désespérément au siège, animal pris au piège.
Kumi sait qu’il lui va falloir agir : pas question d’abîmer la marchandise. Et si elle allait lui faire une crise cardiaque, la petite ? Pas moyen alors de concrétiser ce qui s’annonçait comme l’affaire du siècle…
Kumi tremble dans son blouson de cuir. Il ralentit pour quitter l’autoroute et gare le side-car dès qu’il aperçoit un endroit discret. Là, d’un magistral uppercut il assomme la fille en rouge, se disant qu’il va ainsi pouvoir terminer son trajet en paix.
Le trajet va se terminer tout autrement.
Un tremblement de terre éventre la route, les arbres s’arrachent du sol, tout est englouti en quelques secondes. Un lourd silence s’installe.
Plus tard, lors des travaux de déblayage, le corps de Kumi sera retrouvé enlaçant étroitement celui de la fille cheveux rouges/robe rouge. Toutes dents dehors…
C – À partir du récit « B », imaginez maintenant un texte CONTRAIRE en tous points. Il faut cependant garder les éléments de l’image.
D – Acrostiche – avec les lettres suivantes :
A
C
R
O
S
T
I
C
H
E
Par Marie-Reine :
Attention, le virage est raide, très dangereux
Par Danièle :
Ah la cavalcade folle en side-car
C‘est la liqueur de la vie
Rouler sans en avoir marre
Onduler, cheveux au vent, selon ses envies,
Sensation d’extase et d’ivresse
Toujours plus vite, plus vite
Impalpable, envoûtante caresse
Cogne le cœur, c’est un nouveau rite
Hurler la liberté
Et avec fierté !
Par Marie-Christine :
Au volant d’un side-car,
Conduisant comme un dératé,
Roulant en klaxonnant
Ou bien en zigzaguant,
Sid allait gaiement au devant de la mort.
Tandis qu’il raccompagnait sa mère
Il avait décidé de mourir avec elle….
Chaque mètre les rapprochait à jamais.
Hystérique, toujours, ce fils avait été,
Et impuissante, sa mère resterait…
Par Monique :
Ah quel pied ,quel pied !
Cavalcade du vent dans mes cheveux de sang
Renaître sous l’orage, faisant fi de l’âge
Oublier ses douleurs, hurler de bonheur
Secouée, ballottée sur cet engin du diable
Tenir sans coup férir la barre du navire
Imiter le plaisir sous le fouet de l’ivresse
Croire au retour de l’été, au chaud de ses vingt ans
Héroïne du jour sur l’étalon puissant
Etre une autre, enfin, sans aucune faiblesse.
A quoi bon marcher en flanant dans un Tokyo pollué ?
C‘est être au moyen âge, ou à l’époque jurassique
Rien ne remplace la vitesse, rien ne grise autant
Surtout celle qui se cramponne à coté de moi
Toute rouge elle est, cheveux, robe et lèvres peintes
Il faut être fada pour partager cette aventure avec elle
Chi-Tan-Chu qu’elle se nomme et un petit pétard ne lui fait pas peur
Hé hé, j’accélère à fond, je suis spoutnik sur orbite
Atelier du 23 octobre 2018