STROPHES EN TRINITÉ
A – Trois feuilles sont distribuées, sur lesquelles figurent des petits textes.
. La feuille 1 comprend 3 strophes,
. Idem pour les feuilles 2 et 3.
Nous avons donc 9 strophes à exploiter.
Face à chacune d’entre elles, inscrire UN SEUL MOT. Les feuilles tournent, nous échangeons et notons tous les mots récoltés.
Exemple avec la strophe suivante :
« Vertige de l’amour
Ménagère, elle n’ose
Monter sur son escabeau »
qui a généré les mots :
la cinquantaine – hauteur – aventure – épuiser – vitrage – Père Noël –
et celle-ci :
« Souple et balancée
Démarche de star
Trop onéreuse »
mots récoltés :
santé ! – féline – langueur – rabais – talons aiguille – ondine –
B – Nous avons ainsi du VOCABULAIRE, que nous utiliserons de la façon suivante :
Sur les 9 mots récoltés, chaque écrivant en choisit un par page tournante. Il en résulte donc 3 mots par participant, à utiliser dans un texte intitulé : CUEILLETTE. Laisser aller votre imaginaire parmi tous ces mots, ne garder que ceux qui vous inspirent vraiment puisque maintenant le thème est donné !
CUEILLETTE DE MARIE-CHRISTINE
Mots à insérer : lancinant – bigleuse – coquine – féline – muette – râleur – épuisée – tatouer – complice –
J’ai récolté ce que je n’ai pas semé. Ce qui a poussé est assez lancinant… Il faut que vous sachiez. Je ne suis ni bigleuse. Ni coquine. Ni féline. Et encore moins muette. Je me voulais poète mais je suis du genre râleur. Vous ne pouvez imaginer à quel point me voilà épuisée d’avoir récolté ces quelques mots. Que j’ai, de surcroît, été obligée de me faire tatouer. Imaginez le tableau. Je n’ai que la peau sur les os. J’ai donc manqué de place. Et un mot dépasse. C’est le mot « complice« . Coïncidence ou pas seules les trois premières lettres ont pu être gravées. Les cinq autres (saperlipopette !) ont pris la poudre d’escampette… Ma cueillette du jour a été olé olé !…. Je vous le dis mes amis… La poésie c’est tout un art… Rien n’est dû au hasard… On cueille ? Mon œil….
CUEILLETTE DE FRANCIS
Mots à insérer :
gitane – aventure – mendiant – ciel – nuages – tison – Pierrot – Venise – Ondine –
Dans la rue du Soleil c’est à la gitane qu’il parla en premier. Elle Lui annonça une bonne nouvelle. Il n’y crut pas, en tout cas pas tout de suite. Il lui arrivait parfois de lui faire confiance, mais il lui reprochait un peu, pas beaucoup, mais un peu tout de même, son air de chat. Elle lui promit qu’un jour il serait très riche. Mais c’est ce que toutes les diseuses de bonne aventure vous promettent ; elles vous disent que vous allez vivre un grand amour, que vous allez faire un voyage autour du monde ou que n’importe quel de vos rêves se réalisera dans les prochains jours. Lui, il préférait douter. Oui, douter de tout ; douter était son plaisir, un plaisir de gourmet. Aussi lorsque la gitane lui dit qu’il serait bientôt seul, malade et mendiant, il sourit avec plaisir, ce même plaisir que l’on peut avoir devant un miroir lorsqu’on est jeune et beau. Elle lui tendit la main pour la pièce qu’il ne manquait jamais de lui donner. Elle ricana parce qu’elle ne connaissait très bien. Depuis des années, il jouait à ce jeu absurde : l’avenir. Il lui demanda de quelle maladie il allait souffrir. Elle tendit la main et il lui glissa une nouvelle pièce brillante, lisse et propre. Elle cracha dans sa paume marbrée de crasse et lui jeta à la figure : « Tu seras paralysé du regard. ». Il rit aux éclats : « aveugle ? ». Elle le voyait aveugle. Il en doutait. Il avait une excellente vue. Il voyait aussi bien le jour que la nuit. Aveugle, rien ne l’effrayait.
Il commençait à s’éloigner. Elle le rappela pour lui dire presque à voix basse : « Tu seras aveugle. Tu ne verras plus le ciel ni les nuages. Tu auras des braises à la place des yeux et la lumière sera pour toi un tison ! » Puis elle ricana. Il lui redonna une pièce. Elle sursauta. Jamais il n’avait été aussi généreux. Et lui posa une dernière question, avant qu’il ne disparaisse dans la rue du Soleil.
-
Tu t’appelles comment ?
-
Pierrot
-
Tu fais quoi ?
Il hésita avant de lui répondre.
-
Je vends du Baume de Venise.
-
À qui ? Lui demanda-t-elle.
Il éclata de rire et lui rétorqua :
-
Au pape
-
Va-t’en, Satan, hurla-t-elle, tu n’es qu’un voyou !
Il partit à petits pas longs de la rue du soleil et disparut dans la pénombre.
Bien des années plus tard un mendiant aveugle avait pris la place de la gitane qui guettait tous les passants à la cueillette d’une voix. Sans les voir, il les guettait. Sans espoir, il guettait sans scrupules, tout le monde. Un jour une femme lui demanda qui il guettait. Il répondit :
« Ondine »
Personne ne sut jamais comment il disparut mais on se doutait bien qu’il avait dû beaucoup souffrir.
–
CUEILLETTE DE SYLVIANE :
avec les mots à insérer : tramontane – bigleuse – flirtant – coquine – apnée – lancinant -charnu – la cinquantaine – santé ! –
La Tramontane, coquette bien qu’un peu bigleuse, avait décidé cette année-là d’en finir avec avec sa réputation. Toujours par-delà les montagnes, flirtant avec le pays d’Oc tout entier, elle n’en pouvait plus, la Tramontane ! Coquine ? Ça oui, elle resterait coquine… Soulever les jupes et les chapeaux serait sa récréation. Mais elle se promettait de ne plus agresser les malheureux piétons qui la maudissaient, par elle épuisés, souvent en apnée. Fini ses cris lancinants dans les cheminées, plus de plaintes grinçantes aux persiennes.
Elle allait désormais parcourir les collines, aidant sans trêve à la cueillette des amandes, des noix, des azérolles. Elle prendrait les rondeurs charnues de la belle cinquantaine, attirerait dans son giron les égarés, poudrerait de douceur les iris bleus de mars et les grappes à vendanger.
Et puis là-haut, dans les garrigues, entre murets, figuiers et vignes, elle prendrait son repos, irait dénicher les aspergiers sauvages. Rieuse, se désaltérant d’une ondée rare, elle dirait « santé !» aux petits lézards des pierrailles.
C – Avec les mots restants des exercices précédents ( 2 par écrivant), rédiger une anaphore bancale. Seulement UNE LIGNE SUR TROIS devra commencer par :
Il faut que je vous dise….
…………………………………..
…………………………………..
Il faut que je vous dise….
TOUS LES MOTS RESTANTS SONT à UTILISER dans cette nouvelle écriture. Voici plusieurs écrits selon les consignes . Voici 2 textes à partir de ce canevas :
Madame ma voisine par Monique
Il faut que je vous dise, Mesdames et Messieurs les Jurés
Pourquoi, derrière le vitrage,
je suis resté collé.
Il faut que je vous dise
Quel sentiment j’éprouvais alors
Un amour profond, démesuré.
Il faut que je vous dise
Cet incendie soudain qui fit de moi
Un irrémédiable cocu !
Il faut que je vous dise, derrière le vitrage
Sa nudité charnue, qu’elle exhibait en talons aiguilles
Et l’autre qu’elle excitait
Il faut que je vous dise
Que l’illustre inconnu
M’a planté un tison dans le cœur
Il faut que je vous dise Monsieur l’Avocat
Que, sur le canapé,
elle avait jeté
Les soieries de Venise que je lui avais offertes
Il faut que je vous dise
Qu’alors la séparation me parut inévitable
J’étais épuisé !
Il faut que je trottoir j’ai roulé
Moi, le beau tatoué !
Il faut que je vous dise, et je n’en dirai pas plus,
Le mendiant que je suis devenu !
Texte bien développé, beaucoup de mots collectés ici utilisés. Belle idée que d’utiliser la répétition de
« il faut que je vous dise » comme plaidoirie.
Texte de Sylviane :
Il faut que je vous dise un voyage sans fin
en boubou à Venise avant le désamour,
avant la chair brûlée de la féline rousse.
Il faut que je vous dise mes talons aiguilles
et l’inconnu cocu et la farine d’orge
qui colle des pavots aux vitrages coupables.
Il faut que je vous dise les voies de la gitane
ce tison de chair brune épuisant les amants
et de Venise, enfin, la grisaille au canal.
Ici texte très court, mais tous les mots sont insérés.
D – Contraire du TEXTE B
Rédiger un écrit contraire en tous points. Travail d’analyse et de vocabulaire.
Enfouissement par Marie-Christine
J’ai enterré tout ce que j’ai volé. Ce qui pourrira, là, sera flagada. Je suis aveugle. Frustré. Lourdingue. Et surtout pas bavard. Je me voulais grutier mais je suis du genre trouillard. Vous ne pouvez imaginer à quel point j’ai la patate d’avoir enfoui trois tonnes de matériel. Que j’ai dû, de surcroît, incinéré. Imaginez le tableau. Je ne fais même pas 40 kilos. Mais je ne manque pas d’air. C’est juste une évidence. Seul un mini tournevis s’est rebellé. Et a pointé le bout de son nez. Tout le reste s’est volatilisé.. Ce hold-up a été rondement mené. Je le dis à mes concurrents. Cambrioler c’est tout un art ! Rien n’est dû au hasard. Pour moi le vol ? C’est « lol »....
Providentielle Tramontane par Sylviane
La Tramontane, dépenaillée, l’œil perçant, avait décidé cette année-là de ne pas faiblir. 365 jours sur 365, acérée, jamais fatiguée, elle courait de montagnes en plaines. Elle s’attaquait à tous les passants de toutes les rues, les mordant nuit et jour. Dans sa férocité elle s’emparait des toits, des cheminées, des arbres. Pas un platane ne put résister à ses déferlements. Pas un.
Il y eut des malades, des blessés, voire des morts de ci de là. Dans ses furies, elle se gonfla d’orgueil et décida de devenir typhon. National typhon ! Jaloux, le Mistral descendit rapidement du Rhône pour la retrouver en de mémorables joutes.
Quelle année ! On ne parlait que de ça, le monde entier suspendu aux aventures météorologiques du pays. Rien ni personne ne parvenait à ramener le calme dans cet autrefois si doux pays…
Fort heureusement, la folle Tramontane périt de tous ses orgueils, à l’instant solennel où fut annoncé le résultat des élections présidentielles.
Narbonne, le 14 mars 2017