15 mars 2016
Pâques arrive, annonçant traditionnellement le printemps.
Les amandiers ont déjà échangé leurs neiges blanches et roses contre des feuilles vert tendre. Les oiseaux ont fêté la Saint-Valentin à leur manière d’oiseaux et les nids s’élaborent à grands renforts de vols et gazouillis. Voilà, un nouvel atelier est proposé sur le thème :
CATENACCIÙ
roman de Sophie Khan
(le Catenacciù est le nom de la procession du Vendredi Saint à Sartène en Corse.
Un homme dont l’identité est tenue secrète expie une faute grave en portant une lourde croix et des chaînes tout au long des 14 stations du chemin de croix à travers la ville.)
EXTRAIT :
« Certains de nos voyages furent doubles. Ni froids ni chauds. Impossibles et observables. Des iris de collection. Quand je songe à l’Atlas, je vois des chameaux sous la neige, fantastique procession.
Il y en eut aussi d’une blancheur du sel. Une idée de salut si….. »
A – CONTINUER LA NARRATION. L’idée religieuse est ici tout-à-fait accessoire, il va s’agir en fait d’un voyage expiatoire, symbolique ou réel, initiatique ou fantaisiste…
B – Reprendre le texte A en y enlevant tous les adjectifs. Lecture.
C – Reprendre le texte B pour le rendre cohérent, toujours sans adjectif. Tous les autres ajouts sont possibles.
D – Écriture partagée en tour de table à partir de la phrase : « Quand je songe à l’Atlas, je vois des chameaux sous la neige ». Écrire dans le style de l’autre.
Après les trois premiers exercices, lecture en tour de table. Nous voilà emportés, envolés dirais-je, grâce à l’imaginaire des écrivants très inspirés. Certains voyages font rêver, d’autres nous amènent à nous pencher sur nos désirs, aspirations et autres manques… Moqueurs, voire délirants, de pure beauté ou très intellectualisés, les écrits nous absorbent dans le silence de l’atelier.
Lecture puis commentaires, nous échangeons sur la Corse et ses traditions.
La disparition des adjectifs est différemment ressentie. Certains écrits s’en trouvent renforcés, c’est une évidence : écrire sobrement confère tant de valeur à chaque mot ! Dans certains cas, il en avait été peu utilisé, l’écrivant retrouvait donc son texte initial. In fine, les adjectifs « jetés » n’ont pas été regrettés !
Nous passons à l’exercice D –
Chacun, chacune pend une feuille sur laquelle il inscrit son prénom puis, à la suite, ce début de phrase tiré du roman : « Quand je songe à l’Atlas, je vois des chameaux sous la neige.. ».
Il est demandé d’écrire un texte incluant ce début ( incipit ) et, après 3 ou 4 lignes d’écriture, de passer la feuille à son voisin afin qu’il le poursuive dans le
même style. Voici un exemple de tour de table :
Quand je songe à l’Atlas, je vois des chameaux sous la neige. Des chameaux noir d’ébène en longue procession. Leur lenteur rythme mon rêve en noir et blanc chaque fois que je revisite la terre ancestrale, chaque fois que… je rêve au coin d’un feu de bois dans la petite maison perdue dans le maquis. Le berger appelle ses brebis et l’Angélus arrête ses pas. Il prie… pour se reconvertir dans un métier moins solitaire, tel que présentateur radio où il ferait de la publicité pour son fromage de brebis. Soudain… un hurlement dans le lointain : la brebis nous refait le coup de la chèvre de Monsieur Seguin envoûtée par le regard du loup…solitaire lui aussi mais la panse vide, la babine alléchée… Si elle croit qu’elle va me faire pitié… Elle a intérêt à déguerpir, cette mauviette ! Sinon elle va finir en brochettes !…Pas de risque que cela arrive au chameau. Un chameau, cela vous regarde avec un œil si doux, si intelligent qu’il n’est pas question de barbecue ; seulement de promenade sous le ciel étoilé du désert… À condition qu’il se plie, le chameau, car sa lenteur aussi fait partie de son caractère. Il n’est jamais prompt à obéir, le chameau avec son air d’éternel dédaigneux… et il crache et il bave et il mord parfois. Ah, mon beau chameau d’ébène, que tu me manques malgré tout en ce soir empreint de nostalgie…
Fin de l’atelier, beaucoup de commentaires, de sourires.